Mastin Jean-Luc
La guerre et l’occupation de 1914-1918 ont-elles vraiment été une catastrophe économique pour le Nord ? A travers l’étude de la région lilloise, l’auteur soumet à la critique historique la mémoire victimaire qui, depuis cent ans, oppose les territoires « envahis » et « sinistrés » à une France « libre » et enrichie par la guerre. En centrant l’analyse sur la place et non plus sur le territoire, il montre la dualité de patrons à la fois victimes et profiteurs de guerre.
Ce livre interroge le rapport des capitaux au territoire. Revisitant l’occupation et dépassant la dichotomie collaboration/résistance, il montre la résilience de la place à travers le maintien d’une activité économique et l’incessante concertation des industriels, des banquiers et des négociants. En même temps, le repli d’une bonne partie des capitaux en « France libre » et le dédoublement de la place à Paris permettent de participer activement, avec les multinationales implantées à l’étranger, à la mobilisation économique et aux bénéfices de guerre. A plus long terme, la relocalisation très partielle montre que la guerre a été l’occasion d’une expansion durable. Ce livre montre aussi les bénéfices de la rhétorique victimaire assénée à l’Etat par un dense réseau d’organisations patronales et de puissantes associations de « sinistrés » : le « statut des sinistrés » est financièrement très favorable, et la « reconstitution » industrielle rapide ; la place reste puissante.
Certes, tous n’ont pas également bénéficié de la guerre, mais dans le concert victimaire, les voix dissonantes sont inaudibles.